Je me souviens d'un objet lourd, rare, important, à la poignée trop
grosse et aux trous de cadran coupants. De sa lenteur à composer les
numéros impossibles à modifier sans tout recomposer. Heureusement, il n'y en avait que 6. Le 22 à Asnières n' était
plus qu' une blague de fin de banquet républicain. Dans un lieu de
passage, ou au contraire un cabinet secret, c'était selon ... le nombre
de cadavres familiaux probablement.
Je me souviens des 1° mobiles
aussi, format batterie 12 volts blindée militaire, antenne
stratosphérique, extraits mi-nu-tieu-se-ment de leur étui, un 4x4 gonflé
au bitume ciré. C'était bien avant la Rolex de leurs 50 ans.
Je me souviens
de ces nuits blanches, passées à composer des listes successives de
numéros modem dans la pénombre d'un bureau transformé en cellule
monacale dédiée au culte du dieu Cyber, pour envoyer quelques zéros et
presque autant de uns, ou en recevoir d'aussi anonymes correspondants
sans visage. Une décharge de clics, un hululement de porteuse et le
frisson du voyant vert, après le rouge tout bouge. Vers un autre cagibi
désert, dans un autre fuseau horaire.
Je me souviens de ce passage
initiatique des collégiens vers le GSM, l'ouverture frénétique du
carton surdimensionné d'avant le greenly correct. Le vibreur n'était
pas seul à rêver d' impunité après des soirées non
(r)accompagnées et de sorties - de route. Magie du sans-fil à la patte,
caméléon.
Je me souviens aussi de ces moments passés à
l'attendre, le tamagoshi conscient des piles en fuite, sans savoir si elle, oui, elle,
se trouvait derrière un de ces murs qui ne se rappelaient même plus à quoi
avait bien pu ressembler une mandoline.
Je me souviens enfin de ce SMS si récent, ici recopié, afin qu'il fane et reste:
" Ce jour à midi
Le soleil, après la pluie
a illuminé ton sourire béni.
Et on ne sait lequel des deux
a le plus ébloui ceux qui étaient ici."