vendredi 31 mai 2013

Une vie sous contrat



Article 1: Le contractant pourra choisir la durée de sa vie. Il devra faire ce choix au moment de la signature du contrat. Aucune modification ne pourra intervenir sur cette durée, quelques soient les évènements heureux ou malheureux survenus en dehors de sa volonté.

Article 2: Le contractant pourra se marier trois fois, avec des personnes du sexe de son choix. Ces unions dureront le temps qu'il le souhaitera, il n'aura aucune possibilité de tomber amoureux de quelqu'un d'autre pendant la durée de ces unions. Toute liberté lui sera laissée pendant les périodes intermédiaires.

Article 3: Le contractant pourra choisir le thème de ses rêves le soir avant de s'endormir, sauf une fois par semaine où il devra subir le cauchemar qui lui sera imposé.

Article 4: Il sera offert au contractant un travail lucratif de son choix, dans le domaine qu'il préfère. Il pourra changer d'emploi cinq fois au cours de sa carrière. Il ne pourra en aucun cas avoir de ressources pécunières autres que celles issues de son travail

Artcle 5: Le contractant aura le libre choix de ses idées politiques. Il pourra en changer aussi souvent qu'il le souhaitera, mais ne devra en aucun cas risquer sa vie pour ses idées.

Article 6: Dans le cas où le demandant aurait fixé la fin de sa vie après l'age légal du départ à la retraite, il lui sera versé une pension égale aux quatre cinquièmes des revenus que lui procurait son emploi, et il lui sera fourni un gîte à sa convenance avec un jardin qu'il aura l'obligation d'entretenir lui-même.

Article 7: Le contractant s'engage à porter, de la signature du contrat jusqu'à sa mort, une rose à sa boutonnière, rose fraiche dont la couleur sera laissée à son appréciation, charge à lui d'en trouver une nouvelle chaque matin, même en hiver, même en voyage dans des pays exotiques.

Article 8: Quelquesoit le fond de ses pensées le demandant devra afficher la joie de vivre en toutes circonstances.

samedi 25 mai 2013

Epibaffes

- Sous la pluie,
elle traversa la vie,
entre deux orages,
et peu d'accalmies -


- Elle mourut comme une ombre.
Elle vécut comme un reflet -

- Elle eut beaucoup plus d’amants que de chapeaux,
Bien qu’elle raffola des chapeaux -

- De part son caractère exécrable,
Il fût de ces êtres
plus supportables
morts que vivants -

- Qu’il repose en paix.
Et nous aussi...







jeudi 23 mai 2013

La semaine d' Auguste Claveyrolas

Lundi - Auguste Claveyrolas sort de chez lui en courant, rate l'ascenseur, dérape sur une flaque. Arrive en retard à son travail. Une fois de trop, il est viré. Dehors il pleut.
Mardi - La pluie s'est arrêtée au coin de la rue, mais pas celui qui aurait gardé Auguste au sec. Il pense sérieusement à passer son certificat de pain sec d'eau saumâtre, mais le choix des écoles est assez vaste, alors il hésite, et son pantalon et ses chaussures sont trempés par un caniveau soudain débordant de vie.
Mercredi - Enfin il ne pleut plus, Auguste regarde le soleil sortir des nuages et se prend  à rêver. La course contre la montre effrènée s'est arrêtée. Vertigineux le temps.
Jeudi - finit plus tôt que prévu sa rêverie car une éclipse est annoncée. Il faut rentrer, les lunettes de soleil sont dans la baignoire, bien rangées. Au moins, on peut y laisser filer ses pensées sans voir les fissures, la peinture qui se décolle et tout ce qu'il y aurait à faire dans cette salle de bains.
Vendredi - La logique voudrait qu'il fasse des travaux, petits et gros, dans tout l'appartement, mais il préfère remettre ça à Samedi ou Dimanche, puisqu'il a tout son temps. Et puis il est de très mauvaise humeur et sort se promener dans un parc.
Samedi - Il fait trop beau, c'est Shabbat chez certains, donc on ne va pas les ennuyer avec les outils électriques. Et le parc est beau comme un paquebot, alors on met les voiles à Borely, les filles sont belles aussi.
Dimanche - Auguste Claveyrolas digère sa bière et boit sa semaine.

Epitaphes

    Eléonore
    Elle reposa en paix tôt. Menue en tout, grande en rien, comme des milliards de nos frères humains. Une vie cueillie comme un fruit trop vert, une pousse cassé avant d'avoir pu fleurir et parfumer des vies. Ci-git Elle, et honore-là.

    Chico
    Il finit sans une ligne sur sa tombe, même pas dans le journal. Mais la police en trouva plusieurs sur un miroir, à côté d'un billet roulé. Parti de rien comme un enfant des rues, arrivé nulle part à peine un peu plus vieux, il vécut dans l'ombre. Dans l'ombre des aînés, qui ne lui dirent jamais que 'tu', dans l'ombre des cités qui jamais ne le citèrent, dans l'ombre des cachots qui parfois le cachèrent. Il chassa la combine comme d'autres le daim, courut le jupon comme d'autres les bois, but de l'alcool comme d'autres le lait. Seul son sourire lui survécut, fossette d'enfant privé d'enfance. 


    Marcel
    L'ordre fut sa loi, la loi son ordre de mission. Il ne lâcha rien d'illégal, n'imagina jamais qu'un autre ordre pût exister, subit sa vie comme un film en noir et blanc, acteur besogneux d'un réalisateur redouté, mais rassurant.

verbes (iages)

    Vouloir donner sans devoir prendre. Trouver sans chercher, passer pour croire, demander à rester, attendre pour entendre, est-ce commencer à s'ouvrir, s'arrêter de finir?
    Parfois l'oubli nous frappe, on connaît, on reconnaît sans avoir oublié. On a lu un peu, compris un peu mieux, dormi beaucoup, regardé passer, entendu ce qu'il en reste, on s'est ouvert aussi. On a demandé, on est parti sans crier, oublié de manger, cherché sans penser. Et puis un jour,
car on a perçu, on sent, on s'en sort, on sort, on se lève, on marche, on jette, on devient. Sans crier gare on tourne page, on quitte et on pose. On joue, on est, on aime.

Quelque chose d'absurde liait nos histoires

Quelque chose d'absurde liait nos histoires. Nous vivions à quelques mètres sans nous croiser, mais nous nous savions à côté, silencieux de nous être épuisés d'amour. A l'heure où d'autres passent aux projets, dérisoires ou pas, nous avions, comme un ballon vers le ciel, lâché l'avenir. Il serait encore plus beau en rêve. Et nous sentions le calme après la tempête, le silence entre nous, comme une promesse d'éternité.

Tiroirs secrets

Dans le tiroir de l'exilé, il y a d'étranges lettres, qui ne s'écrivent plus comme maintenant, à moins qu'un regard d'ailleurs ne s'y reconnaisse enfin. Il y a de petits objets, faciles à garder, à déplacer, à perdre aussi, comme ceux du petit Poucet, qui a grandi sans remords, mort d'être devenu grand, ici comme là, lassé d'encombres, rassasié d' histoires à raconter, avec ces lettres-là, qui ne parlent plus à grand'monde, et qui attendent qu'un autre exilé ne les retrouve. Dans le tiroir de l'exilé, il y a d'étranges lettres...

Dans le tiroir du pêcheur, il y a un col de bouteille en verre, lissé par le ressac et le flot, un bout d'hameçon bien trop rouillé pour piquer. Tétanos-thanatos l'a emporté, dans la force de l'âge paraît-il, et certainement pas une goutte d'eau de de vie, salée ou non. Et même si la famille lui a tissé un irréprochable linceul de con-formisme, celui-ci n'est pas dans le tiroir du pêcheur.

Le meilleur du pire

Rentrer à vélo sous la pluie
Bourré pour cause de rateau
C"est ce qu'il y a de pire

Revenir le jour d'après
Voir les ruines dans les yeux
De l'amante déçue
C"est ce qu'il y a de meilleur

Voyager en première
Dans un wagon désert
C"est ce qu'il y a de pire

Partir sans carte ni horaires
Dans un coin sans histoire
C"est ce qu'il y a de meilleur

Ne pas savoir ce que l'on veut
Rester buller
Le temps que le temps décide
C"est ce qu'il y a de pire

Ne pas vouloir
Mais savoir
C"est ce qu'il y a de meilleur

Planer dans les airs
Avec pour voisins les busards
C"est ce qu'il y a de meilleur

Planer pour planer
Quelle qu'en soit l' ivresse
C"est ce qu'il y a de pire

Un sourire gêné
Devant la peine impudique
C'est ce qu'il y a de pire

Un sourire esquissé
Devant des yeux fardés
C"est ce qu'il y a de meilleur

Un silence rance
Alors qu'une oreille vous tance
C'est ce qu'il y a de pire

Un rire complice
Quand l'humour déraisonne
C'est ce qu'il y a de meilleur

Tracer d'éphémère
Une illusoire trajectoire
Dans la neige, l'air ou la mer
C'est ce qu'il y a de meilleur

Ecrire pour ne rien dire
C'est ce qu'il y a de pire

Dire pour ne pas écrire
C'est ce qu'il y a de meilleur

Menu de randonnée

- Batifolle de tomates dans leur jus, croque gros-sel en robe de miettes-éponge 
- Prosciutto scello, dans son lit de graisse confit de crème barattée
- Canapé de concombres marinés sauce oubliée
- Plateau de délices fromagers d'humeur badine, sur coulis de vacheries
- Chateau Le puits sans fond 2013, cuvée "craie de Javel"
- Café, pousse-café et herbe (à nicot, qui rend nigaud) à volonté


mercredi 22 mai 2013

Une vie de vitesse



Grand coureur devant l'éternel, sa vie fut une fuite échevelée.
Il naquit en quelques minutes, bien avant les prévisions médicales,
épuisant sa mère lancée à sa poursuite dès qu'il sut se mouvoir.

Coureur à pied, sport de roi,
vainqueur du marathon de Paris à sa création.

Coureur de jupons, à l'affut de tout ce qui volait et se soulevait dans les rues.

Pressé, harcelé de toutes parts par ses admirateurs - admiratrices.

Ne prit pas le temps de fonder une famille.
Ses descendants inconnus sont pourtant nombreux de par le monde.

De plus en plus mince au fil de ses exploits,
finalement des ailes lui poussèrent à l'age où d'autres apprécient leur fauteuil.

Son envol se réalisa un jour de tempête
nul ne l'a jamais revu
nul tombeau pour recueillir son épitaphe

samedi 18 mai 2013

Rendez vous !


Elle a fixé sur les murs des heures durant
un à un chaque motif du papier peint
Chercher, scruter, examiner, chaque dessin
tout au long du long tapis tapi sous ses pieds

Immense mur
Immense sol
immense peur
Si petite, Elle

Fuir les heures
Fuir ce temps
qui approche
pas à pas
d'un bruit sourd

Se confondre
se fondre dans ce décor
Disparaitre

Se rassembler toute minuscule
autour de sa robe légère
Fragile et frêle
Devant l'immensité de ce rendez-vous

Ce moment
qu'elle se doit de vivre
Pour recommencer
à vivre...


jeudi 9 mai 2013

L'horloger

Une armée de pendules,
pendues à la même heure,
des tics tacs survivants,
des étanches à tout,
des silencieuses,
des remontées,
Chronos pleurant sur son clepsydre,
le sablier se fuit,
et tout ce temps
perdu,
à regarder nos montres,
au lieu d'avoir le temps...

Pour dernière demeure

Moi l'impératrice ordonne ma sépulture,

à l'ombre d'un olivier,
sur une colline de Crète,
quelque part sur la terre,
où les morts sont partout,
chez eux.

Du côté de Grenade,
pourquoi pas de Cordoue,
dans l'écrin dans jardin
andalou,
sans tombeau,
mais un voile blanc,
à même la Terre

Calme
est la dernière demeure
peuplée de chants d'oiseaux
du frémissement des fontaines

Un balcon sur la Toscane,
la lumière,
sur les murs de Florence
à la tombée du jour,

Un balcon sur la mer infinie,
le sable blanc de l'Ile de Djerba
au loin, chaleur, silence,
quelques maisons peintes à la chaux
volets bleus, toits arrondis

Tout respire le sud
dans ma dernière demeure
tous les Suds
qui n'auront fait qu'un
tout au long de ma vie

Le Chef des Scribes

Patrick a une double vie.

En fait, il n'est pas un terrien,
il nous le fait croire,
mais il vient d'une autre planète,
une planète inconnue encore,
c'est pour cela qu'il n'en parle pas.

Tous les soirs,
à la tombée du jour,
il accède à son vaisseau spatial,
sous la salle de l'atelier d'écriture.

Je l'ai vu de mes yeux,
il actionne un bouton,
sur le tableau électrique,
et le sol s'ouvre

Une lumière souterraine jaillit
et le transporte à son vaisseau

Là une armée de scribes travaille pour lui,
c'est lui le chef,
il les fait écrire encore et encore
et tous s'exécutent
.......

Fragile

La scène,
fragile équilibre
du visible,
et du non visible.

Est-ce donc dans la lumière,
que l'on se cache le mieux ?

Oubli # 1

Cher,

Tant de temps depuis notre première rencontre,
une de celles qui en scelle tant d'autres,
une année, deux et puis trois,
et l'éternité pour mémoire

Tu es tout ce que j'espère,
Tout ce à quoi j'aspire,
le miel de mes illusions,
ma vérité à construire,
jour après jour

Mais une histoire à deux
ne se construit pas seule,
le poids en devient trop lourd,
pour un coeur oublié

Le silence s'installe,
l'absence consume,
le chien aboie, 
la caravane passe,
tout passe.

Adieu.


mercredi 1 mai 2013

Double-vie



Tout le monde croit que je me couche tôt. Après 21 heures, plus de visite, plus de coup de téléphone.
En fait, je suis insomniaque. Dès que tout le voisinage est devant la télé, je me glisse hors de chez moi et plonge dans l'obscurité des rues de la banlieue. Bottes, jean et blouson, bonnet de laine sur la tête, grandes enjambées, démarche d'homme, c'est plus prudent.
Je veux voir, voir comment vivent les autres, ceux que je ne connais pas, ceux qui me font un peu peur.
J'avance, à l'affût, m'arrête devant un volet entrebaillé. Une famille vit là. Que puis-je deviner? Que puis-saisir? Une engueulade, une étreinte, une baffe qui retentit sur la joue d'un gosse?
Peu à peu toutes les fenêtres s'éteignent. Mais il y a les autres rôdeurs de la nuit. Des jeunes, en bandes, avec des chiens. Des flics en voiture.
Des pêcheurs au bord de mer toute la nuit. Des corps couchés sur la plage, pelotonnés.
Les odeurs de la nuit, la saleté que l'on ressent sans la voir.
Vers 3 heures, tous les matins, un chien me rejoint, un grand chien noir avec une seule oreille et des yeux jaunes. Il m'escorte. On galope tous les deux. Quand brusquement il me quitte, je sais qu'il est l'heure de rentrer, avant que passent les poubelles.
Je range mes vêtements dans un grand sac en plastique, prends une douche comme si je me levais, téléphone à mes enfants: Tu as passé une bonne nuit? Et vous?
L'après-midi je fais la sieste.

Sur la scène




Sur la scène il y a un halo de lumière.
Et je me tiens dans l'ombre, tout au bord.
Au bord d'un gouffre, ferai-je un pas?
Ferai-je le pas qui me mettrait dans la lumière?
Oserai-je entrer en scène?
Sur la scène, dans l'ombre, il y a les spectateurs.
Tous me guettent, ils vont me happer.
Il y a le grand Georges avec sa guitare.
Il y a Jean, et Anne, et Jacques, et Barbara. Il ya tous ceux que j'ai aimés et qui vivent en moi.
Sur la scène il y a un petit garçon timide et téméraire, assis tout seul devant un grand piano noir.
Sur la scène il y a des souris, des souris en taffetas rose.
Sur la scène il y a les géants, bottés, casqués, matraque à la main.
Sur la scène il y a des larmes qui ruissellent en rideau de pluie.
Sur la scène il y a des enfants nus, membres grêles et ventre gonflé.
Sur la scène il y a l'ogre gueule ouverte.
Sur la scène il y a des dollars, lancés par les spectateurs.
Sur la scène, tendu au-dessus de la scène, il y a un fil d'acier qui brille comme une lame.
C'est là mon chemin, mon chemin en équilibre, pour traverser la lumière.