jeudi 12 juin 2014

"Je pense à vous,dont je ne sais rien"

Une rencontre au jardin, quelques mots, des mots simples qui nous ont toutefois fait déposer nos outils, le vent était léger, dans la lumière du soir, on bavardait mais dans ces quelques phrases il y avait une présence, un moment habité, une présence de qui? je ne sais . De vous je ne sais rien si ce n'est que vous habitez dans la première rue du Corbusier, que vous aimez les fleurs et que votre allure fantaisiste cache une profondeur de vie. J'ai su que vous vous appeliez Domi et que vous jouiez de l'orgue. Je devrais aller vous écouter pour vous connaitre mieux.Vos petits mots qui accompagnent les livres glissés dans ma boîte aux lettres me font chaud au coeur mais vous qui êtes vous?
Je pense à vous, j'espère que nous nous rencontrerons demain au jardin, pensez à prendre votre chapeau, il va faire chaud!

fait divers

Je ne sais pas trop ce qui s'est passé. Derrière la foule, on dirait qu'il y a eu un accident, c'est peut être un carambolage, il me semble que les pompiers sont là, ce doit être grave, peut être un cycliste mais il y a aussi une grue alors je pense qu'il s'agit de travaux dangereux, je me pose des questions. Mais non , pour des travaux on n'a pas besoin d'ambulance. Mais cette nuit je crois avoir entendu l'orage, ce bruit fracassant, c'était peut être le toit de l'immeuble d'en face, sur un piéton? En regardant bien, c'est un arbre tombé sur quelque chose de rouge, on dirait bien une voiture, le chauffeur était sans doute à l'intérieur.
Mais oui, c'est ça!Je me suis réveillé vers 4 heure du matin, par une nuit noire comme de l'encre, des éclairs étincelantes ont illuminé le ciel, la foudre traçait des lignes blanches à travers les nuages plombés, un vent sauvage se déchaîna, arracha toutes les feuilles déjà vertes du printemps, des grêlons translucides sautaient sur les pavés mouillés, le bouleau au tronc d'argent plia sous une pluie boueuse et tomba sur la voiture de mon voisin dont j'ignore le nom, je sais juste qu'il est noir.
Qu'est ce que vous dîtes là Mr Mangin?
Quelle horreur!, le pauvre homme! Ecrasé dans sa voiture! Quel temps de chien! Le dérèglement climatique, c'est certain! Que va-t-on devenir? Si c'était que la voiture encore! Quelle époque! Prudence! prudence! On va plus pouvoir sortir! Quelle vie! Quelle angoisse! Et les secours, ils sont là! Et ce tonnerre qui gronde encore! C'est un châtiment, pauvre homme! pauvres humains que nous sommes!
Le petit homme étriqué du troisième descend en robe de chambre, il parle tout seul:
"Moi, je ne comprends pas, moi, j'écoute la météo, moi je suis prudent, moi je respecte les recommandations, moi je le laisserais sortir seul de sa voiture, moi je ne le plains pas, moi je pense qu'il faut être bête pour partir en pleine tempête, moi au moins je sais que cela ne m'arrivera pas, moi je rentre et je vais regarder par la fenêtre, moi ça me fait sourire!
Les portes se ferment, les télévisions s'allument.
"Cette nuit un homme est décédé, écrasé par un arbre tombé sur sa voiture rue Plantier. La voie est maintenant dégagée."

samedi 7 juin 2014

Au bon coin


Cède piano droit d'étude, vernis noir, un peu rayé mais suffisamment brillant pour qu'on puisse en se mirant dedans se recoiffer d'une main et jouer de l'autre.
Sonorité claire mais un peu chevrotante dûe à son age: quarante ans.
Quelques touches ont vu leurs revêtements d'ivoire (en plastique blanc) se décoller mais être soigneusement conservés. Je fournis la colle.
Pédales en parfait état de marche.
Cet instrument possède une notoriété cachée: il a été utilisé par un grand concertiste lors de ses débuts enfantins. Il est signé.
Prix à débattre.
C'est moi qui paye pour que vous emportiez le piano, il s'agit de venir le chercher au 4ème étage sans ascenseur (escalier large).
A accorder selon vos goûts, votre oreille et votre sens de la musicalité.




Vends, à cause du décès de ma Marguerite, trayeuse électrique individuelle pour vache. Fonctionne sur secteur ou batterie, ce qui permet d'aller traire l'animal dans son pâturage.
Peut éventuellement s'adapter aux mamelles d'une grosse chèvre.
Peu bruyante et indolore.
Je fournis pour le même prix, 39,95 €, le trépied pour s'asseoir aux sabots de la bête, mais pas le seau pour recueillir le lait.

vendredi 6 juin 2014

annonces et affiche

Vous vivez tout comme moi l'époque kleenex, mais vous trouverez dans ce mouchoir le souvenir des nez d'autrefois, d'authentiques nez! Rassurez vous, il est lavé, bouilli, blanchi pour 30 euros, amidonné 35.
Porté dans la poche de votre veston, il attirera le regard des demoiselles, pour continuer la conversation, je vous propose une aiguille à broder pour 5 euros , avec son étui 50, celui ci est en ivoire!
Faites l'addition, pas cher pour attraper les belles. J'ai à votre disposition une douzaine de mouchoirs de ce type, fonction de votre appétit!

Une toile de tente pour marcheur averti 10 euros, averti car il ne faut pas craindre le poids, l'estampille"vieux campeur "atteste son origine. si vous craigniez l'humidité, je vous joins le produit à imperméabiliser, d'époque lui aussi, gratuit mais pas garanti!
Si vous êtes intéressé, avertissez moi à l'avance car on doit la récupérer en haut du mont Viso, il faut bien justifier le prix!

Pour débutant dans les arts du spectacle, je vous propose une marionnette de loup à 15 euros. Si vous ne craignez pas les maisons de retraite, vous pouvez venir la chercher aux "trois épis", les histoires sont gratuites et avec un sourire vous obtiendrez  les 3 petits cochons en supplément!

Vous êtes collectionneur? Cet objet est pour vous à 5 euros, il agrémentera votre collection de moulins à café, à blé, à grains de toute sorte.
5 euros avec couinement ou 10 euros avec la burette qui peut servir pour d'autres objets, pour l'huile, je ne l'ai pas trouvée dans mon grenier, cherchez sur TOUTHUILE.FR


C'est la fête des mères, les enfants se sont cotisés et cherchent un chat pour leur maman:"Elle aura quelqu'un à caresser notre maman, c'est vrai que nous sommes partis il y a longtemps"
C'est ainsi qu'un magnifique chat noir est sorti du panier le jour J. Oui mais voilà la maman en question est superstitieuse, elle ne veut pas d'un chat noir et ne veut pas non plus blesser ses enfants. C'est ainsi que quelques jours plus tard on a pu lire sur les arbres de la place du village:
Perdu chat noir.....Ne pas le rapporter

l'explosion

Cinq, on était cinq, on jouait. La maison était plus que rustique mais on jouait.
Puis il y eu l'explosion, la grande lumière qui brûle, tout est devenu blanc, chaud, tout a fondu, tout s'est déformé, on ne reconnaissait plus nos voisins nos jardins...
Ils sont partis, ils ont fuit, un long cortège s'est formé sur ce qui restait de  route, ils ont emporté ce qui restait de nos objets.
Je suis resté, j'ai percé le toit de mon abri, j'ai vu les statues cassées, les arbres morts mais je suis resté, j'ai regardé le bateau partir et pour vivre sur ma terre, ne pas fuir la misère, ne pas partir mes mains sont devenues racines.

rencontre inattendue

En attente, le regard perdu au loin qui cherche qui, qui cherche quoi, qui cherche rien! vacuité, liberté ou simplement préoccupé?
Pourtant elle s'est faite belle, une certaine élégance malgré les ans, sauver les apparences, elle attend.
Un rendez vous? Il y a longtemps qu'elle n'y croit plus, elle cherche en vain dans le lointain, elle écoute un pas qui vient.Les voiles du chapeau volent, ils soulagent l'âme par leur légèreté. Le soir étale sa douce lumière, le clapotis de l'eau répond au roulement du tonnerre, elle jette alors les chaussures à talons, oublie l'horizon et emprunte un petit chemin, ouvre le portillon, s'en fonce sous les pins, glisse sur les aiguilles et descends, elle n'attends plus, elle descends, l'eau atteind les mollets, la taille, le chapeau nage. C'est alors que de la vase surgit l'homme des marécages, un large sourire, des yeux pétillants, enveloppé d'humus, il soulève la dame et dans une valse endiablée rejoint le rivage:
"Et bien ma petite dame, quittons cet hôtel de luxe et regagnons la forêt, elle est belle et bien réelle, là juste en bas"
Depuis quand quelques tristes âmes attendent sur la terrasse, elles peuvent entendre des rires complices qui montent du bois, là juste en bas.

lundi 2 juin 2014

Jadis


Elles ne sont plus là depuis longtemps. Elles sont là dans ma mémoire, elles ne disparaitront qu'avec moi.
Elles sont habillées à cinquante ans comme si elles en avaient quatre-vingts. Elles ont des chapeaux à plumes ou des bérets, des robes grises jusqu'à mi-mollets. Elles posent ensemble sur les photos de famille. Elles s'entendent bien. Elles sont heureuses que leurs enfants se soient mariés ensemble. Elles sont heureuses d'avoir une petite-fille:moi. Elles la gâtent.
Elles sont patientes, effacées, elles obéisssent à leurs maris. Leur plus grand voyage est de traverser Paris pour se retrouver ou venir me voir. Elles lisent pourtant, beaucoup. Elles écoutent Radio-crochet ou Quitte-ou-double. Elles sont plutôt instruites. Elles rêvent. Elles rêvent pour moi d'un avenir meilleur.

dimanche 1 juin 2014

Marseille


Je suis venue m'installer à Marseille un 15 novembre. J'arrivais de Paris où j'avais toujours vécu. Je ne connaissais les bords de la Méditerranée que pour les vacances d'été: les plages, le soleil écrasant.

J'avais quitté le froid et la pluie un soir vers 23 heures à la Gare de Lyon.
Je débarquais à St Charles vers 9 heures par un soleil resplendissant et doux, un petit fond d'air frais. Je me croyais au printemps et dis aux amis marseillais ébahis qui étaient venus m'accueillir que là, à St Charles, sur le quai, je sentais l'odeur des pins.

Cette année-là, la fin de l'automne fut magnifique, nous avons pu déjeuner en terrasse tous les jours jusqu'à fin décembre. Je n'aimais pas l'automne à Paris malgré le plaisir de faire voler les feuilles mortes sous les pieds, de ramasser les marrons et de les lustrer doucement au fond de ma poche en courant, courant toujours dans les couloirs malodorants du métro ou les boulevards trempés par les averses.
Marseille l'automne, l'hiver, je me croyais au paradis.

Pour Noël j'avais invité deux parisiens qui sont arrivés, sur mes conseils, légèrement vêtus, le 24 décembre au matin; à Marseille, il n'y a pas d'hiver, n'est-ce pas?
Mais ce 24 décembre, d'un coup, le Mistral, le vrai, celui auquel je n'avais pas encore goûté, s'est levé, et la température a chuté de 20°, bon, 15, j'exagère, j'étais déjà marseillaise.
En soirée, après ma journée de travail, nous avons parcouru les rues commerçantes du centre-ville pour préparer notre réveillon. Le vent soufflait à 120 km/h, sifflait sous toutes les portes cochères, transperçant nos vêtements minces de touristes éberlués. Une cheminée est tombée pas très loin, là, devant nous. Nous courions, nous volions de boutique en boutique, nous demandant avec angoisse si nous rentrerions sains et saufs chez moi.
Alors, en Provence, l'hiver existe? Il peut être rude, violent, terrifiant?

Cela fait quarante ans.
Mes amis sont restés parisiens, n'ont jamais voulu croire que Marseille pouvait être un coin de paradis. Ils en parlent encore.
Ils viennent me voir, oui, mais au printemps, quand les collines embaument et ne sont pas encore envahies par la foule de l'été.

Moi, je sais que la ville est diverse, variée, accueillante ou hostile, gaie ou violente. Elle se réserve pour ceux qui l'aiment vraiment et guettent ses merveilles aux quatre saisons.