lundi 29 décembre 2014

Il avait fait des études scientifiques brillantes Jeannot, il avait obtenu un doctorat en botanique, il avait arpenté les collines en quête d'espèces rares pour confectionner des herbiers de grande valeur, il avait répertorié un nombre infini de plantes en tout genre. Il voulait occuper un poste au musée d'histoires naturelles, ce poste il l'obtint et il s'apprêtait à travailler d'arrache pied avec  le conservateur Mr Barchasse. Oui mais voilà, Mr Barchasse ne s'intéressait qu'aux animaux, c'était un taxidermiste de renom, il empaillait tous les animaux morts qu'il trouvait et parfois même guettait ceux qui étaient encore en vie. Un matin , il s'était servi des herbes sèches de Jeannot pour emplir un blaireau.
Dans cette affaire, Jeannot s'est senti lui même le blaireau, il démissionna sur le champ.
Depuis il est réfugié au dernier étage d'un vieil immeuble du centre ville. Il a pu occuper une sorte de verrue mansardée donnant sur le toit.Profitant d'un bel ensoleillement, il développe ses cultures, des treillages de fortune soutiennent les grimpantes et les rampantes partent à l'assaut des tuiles et cheminent dans les gouttières. Imaginez les jours de pluie! Tous les locataires se précipitent chez Jeannot en vociférant mais impossible d'ouvrir la porte, tout est bloqué par le végétal. C'est qu'il a la main verte Jeannot ! Son deux pièces est une vraie jungle, il parait même qu'il dort dans un hamac.
N'essayez pas d'ouvrir la porte, descendez plutôt dans la rue, levez la tête et admirez la corniche illuminée d'une drôle de lumière bleue. Que fait donc Jeannot dans la soupente du 33 rue Volubilis?
On ne le voit jamais Jeannot, on surprend juste quelques ombres furtives à des heures tardives.

dimanche 28 décembre 2014

1 immeuble

Ouvre la porte au deuxième étage à droite de l'ascenseur ou à gauche si tu montes à pied.
Ouvre la porte, petit Gégé a tout aspiré, nettoyé, briqué, c'est qu'il a peur des maladies petit Gégé, il a tellement frotté petit Gégé que les microbes ne peuvent  plus se poser , ils glissent ou ils se prennent les pattes dans la cire.
Ouvre la porte, tout est désinfecté, tu vas sentir la javel, il ne veut pas être contaminé petit Gégé, pourtant tu vas l'entendre tousser mais rassure toi, c'est le chlore qui lui attaque les narines.
Ouvre la porte, une nouveauté chez Gégé, une raquette électrique, il a trouvé cette invention chez le droguiste du coin, en plus il est sadique maintenant, il ricane en écoutant griller les mouches sur son engin diabolique.
Ouvre la porte et tu verras petit Gégé courir dans l'appartement en chassant les mouches.
Ouvre la porte, petit Gégé a oublié les escaliers, il s'est cassé une jambe, on l'a retrouvé avec sa raquette autour du cou et devinez quoi, des blattes lui couraient sur la tête.
Ouvre la porte, personne chez petit Gégé, les pompiers l'ont emmené, il hurlait il ne voulait pas aller à l'hôpital, il avait peur des maladies neucosomiales.
Ouvre la porte, personne, pas tout à fait des souris se sont invitées chez petit Gégé car c'est bien connu quand le chat n'est pas là les souris dansent!

vendredi 26 décembre 2014

Un invité douteux

Quand mon cousin m'a demandé de l'héberger, je n'ai pas pu lui refuser.
Il est arrivé un soir à onze heure, avec deux sacs à dos,
trois valises et un fil à couper le beurre.
Il s'est installé, peinard, dans le canapé et m'a demandé de lui faire à manger.
Puis il a pris une douche et m'a embrassé sur la bouche,
avant d'aller dormir dans mon lit, me laissant le salon pour y passer la nuit.
Il ne travaille pas et fume toute la journée, vide le frigo et, sympa, m'attend pour dîner.
C'est un grand philosophe et fait part de ses trouvailles, 
ses pieds sentent la rose et il connait le braille.
Depuis dix mois déjà il est à la maison, il reste encore un peu : il apprend le violon.
Mon mari est parti, me disant "Chérie, c'est moi ou lui ! "
Je ne sais plus où j'en suis, et je pleure et je ris.

Les petits papiers

VITE 
AMOUR PROPRE
JAMAIS FINI

       nous arriverons
       sur une
       planète déserte
       où tout sera à faire
j'aime le
chocolat et
.toi
Ecrire, taper au kilo-
mètre, sans s'arrêter,
ne pas souffler, ne pas
se retourner, aller de
l'avant, d'un mot à
l'autre,
d'un
rêve                                                         Un tout petit
                                                                poisson rouge
                                                                pétille de mille
                                                                petits  pets qui
                                                                pépitent pétillants,
                                                                petites bulles percées
                                                                en milliard de gouttes
                                                                perlées.
L'Espagne affolan
te. Le Torrero est 
mort. La danseuse
tourne les castagnettes
.chantent le bolero
Rouge lune Sang
pleurs Noir Bleuté
exactement
c'est cela .
tu as raison
                                Veux tu danser

Mandibule
Bulle de
savon
von
von
von

Pauvre petit carré un peu tordu pas une réussite mais ce n'est pas grave il dessine malgré tout une
surface vide à remplir peut-être     mais c'est beau le vide








lundi 15 décembre 2014

Bestiaire fantaisiste


L’ours noir du Népal.
Il est raconté dans les légendes indiennes que l’ours noir du Népal est capable de manger en un seul repas pas moins de trois yacks ! Son estomac extraordinaire a la capacité de gonfler presque indéfiniment, si bien que sa digestion et son sommeil peuvent se prolonger pendant les longs mois d’hiver.

La Licorne du milieu de la nuit.
Il est rapporté dans le manuel des humeurs sombres à l’origine aussi incertaine que douteuse (Transylvanie, 1147 ? ) que certaines personnes confuses à l’imagination exacerbée sont capables de rêver au milieu de la nuit de la Licorne Noire. L’épouvante provoquée par cette vision est, selon certains, un signe d’un funeste présage : immanquablement on retrouve dans les heures qui suivent ces personnes passant de vie à trépas dans d’atroces angoisses.
La crispation infinie de leurs visages, des hématomes, des griffures et d’atroces automutilations abjectes défigurent leurs corps qui semblent avoir accompagné leurs âmes aux confins des mondes noirs de la mélancolie.

Le mammouth Scandinave.
Dans les annales d’un monastère du haut moyen âge (année 998 après J.C) du bourg de Falaise il est écrit de source sûre que les barbares du Nord, ces féroces Vikings amenèrent dans un gigantesque Drakkar un animal exceptionnel. C’était un mammouth scandinave : Titanesque il ne mesurait pas moins de 20 coudées et sa masse extraordinaire était capable de réduire en miettes le plus fort des remparts. De plus son pelage était aussi roux que le manteau du Diable !
On rapporte que les pauvres chrétiens du bourg de Falaise crurent voir en l’apercevant l’incarnation animale de l’Antéchrist venu sur terre pour ravager le monde à l’approche de l’an mil !

Le mouton à cinq pattes.
Invention très moderne de l’administration. Pris par une inspiration profonde, des cadres motivés de la fonction publique imaginèrent cet animal fabuleux comme la représentation métaphorique de l’employé modèle :
Le mouton à cinq pattes devait répondre avec diligence et efficacité aux demandes variées et infinies des usagers. Dans le même temps, il devait ne jamais se départir de l’attitude humble et soumise inhérente à sa fonction.



Quelqu’un

Quelque part quelqu’un parle de quelque chose,
Quelqu’un d’autre l’entend mais il est sourd,
Quelque part ce quelqu’un se demande :
Quelqu’un comprend t’il quelque chose ?
Quelqu’un de nulle part,
Quelqu’un d’ailleurs.

Quelque part quelqu’un parle de quelque chose,
Quelqu’un au cœur léger de montgolfière à
Quelqu’une murée dans un silence de pierre.
Quelqu’un entend t’il quelque chose ?
Quelqu’un de nulle part,
Quelqu’un d’ailleurs.

Quelque part quelqu’un parle de quelque chose,
Quelqu’un aux mille et une vie à
Quelqu’une aux mille et une nuit.
Quelqu’un de nulle part,
Quelqu’un d’autre,
Quelqu’un d’ailleurs.



Liberté chérie !


Jojo : (l’enfant sauvage. Nus pieds, habillé d’un pantalon sale et d’une chemise débraillée, les cheveux ébouriffés qui n’ont jamais connu le peigne) : Pour moi la liberté, c’est la nature : le vent, la course dans les champs, les pierres et leur mousse, l’eau libre !

Tchalco : ( le violoncelliste. Barbu avec des cheveux bouclés il a les yeux noirs de malice et les mains fines et agiles des musiciens virtuoses) : Pas de doute, ma seule liberté, c’est la musique. L’impro est la création pure. Sans elle, je ne suis rien car tout ce que je suis est ce qui est vivant, ne se voit pas et s’entend seulement !

Hélène : (la danseuse de flamenco. Belle, les cheveux noirs tressés entourés d’un foulard, elle porte avec aisance une robe rouge qui descend jusqu’aux chevilles) : tu le sais bien, quand tu joues de ton violon, c’est la vie qui danse et moi avec ! Voilà ma liberté ! C’est celle du mouvement, l’éclatante liberté du plaisir, la joie du corps léger, l’infini permanence de l’éclair !

Ratignasse : (l’éleveur de chevaux. Cet homme massif porte des bottes et un chapeau de feutre. Ses cheveux gris sont courts, sa peau est basanée, il a toujours une veste au dessus de sa chemise) : c’est vrai Hélène, tu nous éblouis comme un soleil de jeunesse mais pour moi, tout cela passe et seul reste en moi la course des chevaux. J’aime plus que tout, leurs muscles saillants, leurs souffles profonds dans une course au galop effréné !

Bébert : ( le conteur, un homme simple) : Tout cela ne serait pas possible sans le rêve : le rêve d’espace de musique et de danse. Le rêve d’un cavalier fou et de sa course d’étoile !

Fernande : (la maman : d’un certain âge, elle a une silhouette ronde. Ses cheveux coiffés en deux tresses sont surmontés d’un chapeau de feutre. Elle porte une grande jupe plissée grise et un chemisier de laine). : Tu radotes, Bébert ! Rien n’est plus doux qu’une tranche de lard et une bouchée de pain dans l’estomac de l’homme qui a faim ! Ne t’es tu jamais posé la question ? Vis tu de l’eau des chansons des danses et de l’amour ?

Jojo : oui, moi j’en vis ! J’embrasse la terre, je me roule sur elle et en fermant les yeux je mets mon nez dans l’herbe et je respire enfin. Quoi ! N’est tu pas capable de comprendre cela ?

Tchalko : Laisse un peu ouvert tes oreilles Jojo ! bien sûr tu comprendras mieux les oiseaux, le vent dans les sapins et le rythme sourd de ton cœur ! Mais, ce n’est pas suffisant. Ecoute enfin la musique : c’est la seule vraie vie ! L’élan ! Le départ de tout !

Hélène : Vient jojo ! Ne les écoute pas ! Vient te reposer à coté de moi ! Tu es l’enfant que je n’ai jamais eu et je suis celle qu’il te faut ! Mon corps est ton refuge, ton jardin et même ton lit douillet ! Joue nous de la musique Tchalko ! Je veux qu’il danse aussi ! je veux des éclairs du rythme et de la vie !

Rastignasse : C’est vrai ! Laissez-vous aller ! Dansez, enivrez vous ! (il débouche une bouteille) Moi et mes chevaux nous vous regarderons. Demain, avec eux nous pourrons partir à nouveau, plus loin, plus haut, derrière les collines, au-delà des montagnes ! Nous découvrirons l’horizon et les ciels d’ailleurs !

Bébert : vous êtes ma vie, mon cœur, mon âme ! Vous êtes l’énorme creuset dans lequel bouillonne mes histoires : sans vous je ne serais rien Les mots que vous me donnez sont les échos de mon âme, son extrême résonance. Merci, grâce à vous je voyage et j’ai les yeux fermés !

Fernande : Venez mes enfants du voyage ! Venez là et régalez vous bien ! Ma marmite c’est mon cœur qui bouillonne. Il y a dedans tout les légumes du monde, les poèmes et les histoires, le pain et la viande si doux à vos palais !

N’oublie pas le vin, Rastignasse ! C’est le nôtre, celui de la bohème ! Son parfum c’est celui de la liberté : ses couleurs sont écarlates et il claironne dans la nuit !



jeudi 11 décembre 2014

Rez de chaussée gauche au fond du couloir


C'est au rez de chaussée, c'est pratique car l'ascenseur est souvent en panne.
Au fond d'un couloir plutôt sombre (l'éclairage ne fonctionne pas souvent non plus), mais égayé par de grands tags colorés, la porte n'est jamais fermée à clef. Elle s'ouvre, claque, se referme à longueur de journée.
C'est qu'il ya du monde dans ce logement: Huit enfants, de dix-sept ans à treize mois. Trois garçons, cinq filles. Et leur mère, Tamata, imposante par sa prestance et sa silouhette. Elle ne se pèse jamais, ça casserait la balance, elle enroule ses rondeurs dans un large boubou, et elle passe le plus clair de son temps dans un rocking-chair en bambou, planté au milieu du salon. De là elle peut voir tout ce qui se passe dans la maison, et surveiller aussi la porte. Nul ne la franchit sans son accord. Mais heureusement pour les enfants et leurs copains, il y a aussi la fenêtre de la petite chambre du fond, inaccessible à sa vue, celle-là; c'est pratique, le rez de chaussée.
Dans ses bras, il y a Abou, le dernier bébé, accrochée en permanence à son sein. Celle-là ne lui échappera pas de si tôt.
Mais les autres vont et viennent, crient, chantent, dorment ou dansent à leur guise. De temps en temps, quand Tamata hurle trop fort, ils ouvrent même leurs cahiers de classe.
La seule obligation est d'aller faire les courses et préparer à manger, car Tamata ne bouge plus elle est trop lourde, elle dort même dans son fauteuil.
Alors les garçons vont chez l'épicier du coin, c'est leur rôle, ils remplissent de grands sacs en plastique rayés, ils paient de loin en loin, quand l'un des papas est venu en visite avec quelques billets.
Et les filles cuisinent, la tradition ne doit pas se perdre, des frites, des pizzas, un gombo les jours fastes...
Les jours fastes, justement, ce sont les jours de visites des papas. Ils sont six. Chacun leur jour, car il faut soigneusement éviter qu'ils se rencontrent, ils sont jaloux. Donc le lundi Ali, père de l'ainé, le mardi Moussad, père des deux cadets, et ainsi de suite toute la semaine. Bien sûr chaque père ne vient pas chaque semaine, ils ont d'autres occupations, et puis ça fatiguerait trop Tamata. Kassoum, le père d'Aminata et Abou, ne vient qu'une fois par an, il habite au Nigéria, mais toujours un jeudi, et alors, quelle fête!
Oui, c'est très bruyant,au rez de chaussée à gauche au fond du couloiir, mais dans l'ensemble on y est plutôt heureux.

dimanche 7 décembre 2014

Définitions

Excès : n. m. Après coup, fait de ne pas être allé assez loin. Appel à recommencer.
Larme : n. f. Résultat de la distillation forcenée des sentiments. Parfois, nec plus ultra de la fausseté humaine.
Zoo : n. m. Lieu d'éducation essentiel afin de pouvoir montrer aux enfants que Bambi est un connard.
Œuf : n. m. Meilleure manière de faire cuire une poule.
Porte : n. f. Distributeur d'hématomes, voire de fractures. Entièrement gratuit.
Pénombre : n. f. I. Lumière en état de dépression avancée. II. Ombre tapineuse fardée à la truelle.
Biscuit : n. m. Élément architectural de base chez les bonshommes en pain d'épice.

« Hortense »

Le vrai nom d'Hortense, c'est Félicia. Mais ça fait bien longtemps qu'on ne l'a pas appelée par ce prénom. Toute petite déjà, elle insistait pour qu'on l'appelle Félix. Car oui, elle voulait être un garçon. Mieux, elle savait qu'elle était un garçon, que Dame Nature s'était juste trompée en la collant dans un corps de fille. Il lui a fallut du temps pour convaincre les bonnes personnes mais finalement, des années plus tard, elle a finit par réparer l'erreur, et est devenue un homme. Ça lui a coûté cher, au sens propre comme au figuré. Heureusement, au fil du temps, les choses se sont appaisées, petit à petit. Il a même réussi à reparler à ses parents, et eux sinon à accepter, du moins à tolérer ce qu'il est. Oui mais voilà, à l'aube de la cinquantaine, Félix s'est rendu compte qu'il aimait toujours s'habiller en femme. Ne vous méprenez pas, Félix est bien un homme, il n'a aucune envie de rejoindre de nouveau la gent féminine. Il en connaît trop bien les travers. Mais depuis six mois, chaque vendredi soir, il revêt ses plus beaux atours, sa belle robe bleue et ses escarpins dorés, il se maquille comme sa mère le lui avait appris, trente ans auparavant, et c'est sous le nom si joliment désuet d'Hortense qu'il va arpenter le dance-floor du Saltimbanque, où il passe la nuit à danser, à célébrer sa vie, sa liberté, au milieu de ses frères et sœurs métamorphosexués. Et vous savez quoi ? Il est heureux.

Appartement 913

Le jeune homme est assis dans un rocking-chair. Il se balance doucement. Les yeux fermés, il n'a pas l'air d'écouter la télé qui hurle à voix basse. La pendule affiche 0:32.

Ouvre la porte.

Le death metal en sourdine a laissé la place à un talk show pastel et insipide. Le fauteuil ne se balance plus. Le soleil entre par la fenêtre et éclaire le jeune homme en contre-jour. Ses yeux sont fermés. La pendule affiche 9:15.

Ouvre la porte.

À l'écran, un homme qui sourit trop vante les mérites d'un aspirateur qui ne convainc pas assez. Des rires d'enfants se font entendre à travers la vitre. La pendule affiche 14:43.

Ouvre la porte.

Deux flics de choc poursuivent pied au plancher deux truands qui tentent de se faire la malle. Les pneus crissent, les balles claquent, toujours à volume réduit. L'orange du soleil couchant se reflète sur la tôle du supermarché d'en face, et donne une teinte chaude à la pièce. Rien ne bouge. La pendule affiche 19:59.

Ouvre la porte.

La nuit est tombée. Il fait froid dans l'appartement. On n'entend pas le moindre bruit, à part la télé qui pousse de nouveau la chansonnette, in petto. C'est l'heure où tout le monde dort. Soudain, le torse du jeune homme s'affaisse. Son bras tombe le long du fauteuil, et avec lui le garrot qui se défait, et la seringue qui teinte contre le parquet. La pendule affiche 1:08.

Ferme la porte.

mardi 2 décembre 2014

Notre dictionnaire

Pour placer notre oeuvre encyclopédique sous les meilleurs auspices, voici quelques extraits du "Dictionnaire du Diable" d'Ambrose Bierce :


Australie : Pays situé dans les mers du Sud, dont le développement industriel et commercial a été épouvantablement retardé par une fâcheuse querelle entre les géographes sur la question de savoir s'il s'agissait d'une île ou d'un continent.

Aborigènes: Personnes de moindre importance qui encombrent les paysages d'un pays nouvellement découvert. Ils cessent rapidement d'encombrer; ils fertilisent le sol.

Bacchus: Divinité complaisante inventée par les anciens pour excuser leurs excès de boisson.

Bruit: Puanteur dans l'oreille. Musique non domestiquée. Produit principal et signe authentique de civilisation.

Cadavre : produit fini dont nous sommes la matière première.

Cannibale: Gastronome de l'ancienne mode qui reste attaché aux saveurs simples et qui milite pour l'alimentation naturelle pré-porcine.

Cerveau. Appareil avec lequel nous pensons que nous pensons. Ce qui distingue l'homme qui se contente d'être quelque chose de celui qui souhaite faire quelque chose.

Chat: Automate doux et indestructible fourni par la Nature pour prendre des coups de pied quand quelque chose ne va pas dans le cercle familial.

Chemin de fer: Le plus important des dispositifs mécaniques qui nous permettent de nous déplacer de là où nous sommes à là où nous ne serons pas mieux.

Chou-fleur: Légume potager à peu près aussi gros et aussi réfléchi que la cervelle d'un homme.

Cochon: Animal (Porcus omnivorus) Étonnamment proche de la race humaine par la vivacité et la splendeur de son appétit, qui néanmoins lui est inférieur dans sa portée, car il n'inclut pas le cochon.

Comestible: Susceptible d'être mangé et digéré, comme un ver pour un crapaud, un crapaud pour un serpent, un serpent pour un cochon, un cochon pour l'homme et l'homme pour le ver.

Conversation: Foire où chacun propose ses petits articles mentaux, chaque exposant étant trop préoccupé par l'arrangement de ses propres marchandises pour s'intéresser à celles de ses voisins.

Cynique: Grossier personnage dont la vision déformée voit les choses comme elles sont, et non comme elles devraient être. De là l'ancienne coutume scythe d'arracher les yeux d'un cynique pour améliorer sa perspective.

Dictateur: Chef d'une nation qui préfère la pestilence du despotisme à la plaie de l'anarchie.

Dinde: Gros oiseau dont la chair, quand on la mange à l'occasion de certains anniversaires religieux, a des vertus de ferveur et de grâces. Incidemment, c'est un excellent mets.

Distance: La seule chose que les riches soient prêts à accorder aux pauvres, en souhaitant qu'ils la gardent.

Égotiste: Personne de goût médiocre, plus intéressée par elle-même que par moi.